3. Engagement des donateurs

Troisième module du Guide GFMD sur la collecte de fonds pour le développement des médias.

Introduction

Les grandes agences investissent un temps et des efforts considérables pour tenter de peser sur la communauté des donateurs et de fixer les priorités en matière de financement.

Cette tâche s’avère compliquée, car les programmes des donateurs se déploient généralement sur le long terme et restent assez inflexibles.

Peser sur le processus de décision consiste parfois à se trouver au bon endroit au bon moment.

Cependant, les donateurs consultent toujours plus la communauté du développement sur les besoins et les priorités et certains engagent des ressources considérables pour évaluer et répertorier les besoins de manière régulière.

Concernant votre relation avec les donateurs, veillez toutefois à garder une distance adéquate par rapport à l’établissement des termes de référence et des documents programmatiques. En effet, les autres agences s’indignent rapidement si elles perçoivent qu'un concurrent a eu une influence indue sur un programme de financement spécifique ou accès à des informations avant l’heure.

pageAppel à propositions et termes de référence

Sur le papier, les donateurs se prétendent ouverts et transparents. En pratique, beaucoup se montrent réticents à collaborer trop étroitement avec les bénéficiaires potentiels et préfèrent les garder à distance.

Souvent, le défi consiste à accéder au sein d'une agence donatrice à une personne qui possède un réel pouvoir de décision. Les chargés de dossiers prennent rarement des décisions stratégiques, leur travail consiste à mettre en œuvre les procédures établies par les hauts responsables au siège.

Types de donateurs

Tous les donateurs ne rentrent pas dans des catégories précises, mais dans les grandes lignes, les types de donateurs suivants sont pertinents pour le secteur du développement des médias :

Agences gouvernementales

Ces donateurs sont souvent liés ou intégrés au ministère des Affaires étrangères du pays concerné.

Leur travail consiste à financer des programmes qui reflètent ou complètent la politique étrangère nationale. Ce financement est affecté par les missions diplomatiques ou par le biais de programmes régionaux.

À une époque, les agences gouvernementales accordaient la majeure partie de leur financement à des organisations de même nationalité, mais ce n'est plus le cas. Toutefois, nous ne pouvons nier qu’elles restent plus accessibles aux organismes du même pays, en raison de leur appartenance à de mêmes réseaux et de leur proximité géographique et professionnelle.

Les agences gouvernementales les plus actives dans le secteur du développement des médias sont :

Les deux principales agences des États-Unis qui soutiennent le développement des médias méritent une mention spéciale :

USAID

De plus en plus, l'USAID semble revenir à une pratique traditionnelle qui consiste à attribuer des subventions pluriannuelles très importantes, principalement en Europe de l'Est. Cependant, elle gère également des programmes de subventions par l'intermédiaire des ambassades américaines.

Longtemps, il a semblé que la "part du lion" des subventions les plus importantes revenait à une poignée d'agences américaines, mais certains signes indiquent que cette situation se modifie.

La plupart des demandes passent par le portail du gouvernement américain et les dossiers à déposer sont complexes et demandent un grand investissement en temps.

Département d'État des États-Unis

Les programmes du département d'État des États-Unis les plus pertinents pour les agences de développement des médias passent par :

  • le Bureau of Democracy Human Rights and Labor (DRL) ;

  • le Global Engagement Center (GEC).

Le GEC a rejoint récemment la constellation des bailleurs de fonds. Il a lancé une série de programmes ambitieux qui mettent l'accent sur la lutte contre la désinformation et la propagande parrainée par les États.

D'une manière générale, le volume de travail lié à la rédaction des demandes pour le LRD et le GEC reste relativement faible.

pageAgences gouvernementales

Fondations

En règle générale, les fondations sont plus faciles à approcher et entretiennent des relations plus étroites avec les bénéficiaires de subventions que les agences gouvernementales.

Il est juste de dire que leurs priorités et leurs sphères d'intérêt sont plus cohérentes que celles des organismes financés par les États, puisque les fondations ne répondent pas toujours à des demandes politiques.

Cela dit, les programmes lancés par des fondations ont tendance à attirer de très nombreux candidats et, à l'exception des principaux acteurs tels que la fondation Bill & Melinda Gates, le montant des subventions proposées reste généralement modeste.

Certains jouent un rôle essentiel en soutenant les organisations locales pendant de nombreuses années et jouissent d'une grande crédibilité en raison de leurs connaissances et de leur expertise locales.

pageFondations

Pour les projets relatifs aux médias, les plus courantes sont :

Nombre d'entre elles versent des subventions par le biais de missions locales, en se concentrant sur des domaines tels que la formation, le plaidoyer et le développement de programmes.

Les plafonds de financement sont généralement modestes et la charge administrative peut être disproportionnée.

Certains appels à propositions s’avèrent irréalistes quant à ce qui peut être réalisé avec le montant du financement proposé.

Pour en savoir plus sur les agences de l'ONU, consultez le répertoire de donateurs pour le développement des médias.

Les organisations internationales telles que l'OSCE et la Banque mondiale sont connues pour accorder de petits financements pour l'évaluation des besoins, les ateliers de formation et les projets axés sur les cadres juridiques ou réglementaires.

Ceux-ci résultent parfois de contacts directs et parfois d'appels à propositions.

Dans son cadre financier pluriannuel (2021-2027), la Commission européenne a proposé l'instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (IVCDCI, également appelé « Europe dans le monde »), qui vise à rationaliser l’aide extérieure de l’UE attribuée à divers secteurs. Doté d'un budget de près de 80 milliards d'euros, il comporte trois piliers :

  • Géographique : accent sur la promotion de l'État de droit, des droits humains, de la démocratie, de la bonne gouvernance, de la paix, de la sécurité et du développement durable dans le voisinage européen, en Asie et dans le Pacifique, dans les Amériques et les Caraïbes ainsi qu’en Afrique subsaharienne.

  • Thématique : soutien aux activités liées à des domaines spécifiques des objectifs de développement durable (droits humains, organisation de la société civile, paix et stabilité, santé, éducation, croissance durable et inclusive).

  • Réaction rapide : prévention des conflits et efforts de (re)construction de la paix. Cela permettra de soutenir le financement de mesures individuelles ou de plans d'action ponctuels.

  • Une réserve de flexibilité pour les réponses aux situations de crise émergentes, telle que de l’aide en cas de conflits armés ou de catastrophes naturelles.

La Commission européenne travaille actuellement à la traduction de cet accord en un règlement européen. Il est prévu que le Parlement européen vote sur la version définitive du texte à l'été 2021.

Tous les appels à propositions et les appels d'offres sont annoncés via le portail TED ou la plateforme en ligne International Partnerships (anciennement EuropeAid).

Les candidatures se font à l'aide de formulaires établis et, pour la plupart, il est possible de soumettre son dossier en ligne.

Souvent, les petites organisations considèrent la quantité de démarches administratives nécessaires pour répondre aux appels d'offres de l’UE trop importante. D'autres sont découragées par l'impression que ces programmes de financement s’apparentent à une loterie. De plus, les candidatures non retenues reçoivent très peu d’explications.

Parmi les derniers arrivés sur la scène du financement figurent le Digital News Innovation Fund de Google et Luminate, la dernière incarnation de l'initiative Governance & Citizen Engagement initiative de l’Omidyar Network.

Certains n'acceptent pas les offres non sollicitées et les futurs bénéficiaires doivent être recommandés.

D'autres lancent des appels à propositions très compétitifs, bien que la charge de travail soit relativement légère.

Un certain nombre de donateurs n'entrent dans aucune des catégories ci-dessus, mais soutiennent depuis longtemps les travaux liés au développement des médias.

Parmi eux figurent :

Tous ont la réputation d'être accessibles, flexibles et de réduire au minimum la charge administrative.

Répertorier les donateurs

Il s'agit d'un exercice utile pour toute agence, grande ou petite, et l'essentiel des recherches peut être effectué sur Internet.

Certains donateurs sont meilleurs que d'autres pour présenter les priorités de leurs programmes et les procédures d'obtention de financements.

La Commission européenne, avec sa vaste constellation de programmes de financement, s’avère particulièrement déconcertante.

En parallèle des recherches documentaires, il vaut la peine de parler à d'autres organisations du même domaine pour comprendre comment fonctionnent les coulisses des programmes présentés. Si vos concurrents montreront possiblement de la réticence à partager des informations qu’ils préféreront garder jalousement, ils vous raconteront probablement volontiers des expériences individuelles qu’ils auront vécues.

Un exercice de recensement des donateurs devrait se concentrer sur :

Priorités programmatiques

Prenez en considération les thématiques qui intéressent le donateur et sa philosophie générale. Parfois, celles-ci sont très larges et mal articulées.

Ce cas de figure donne peut-être lieu aux situations les plus décourageantes, car il complique l’exercice de les relier à des domaines de travail spécifiques.

Il est important d'examiner les projets financé par le donateur en question par le passé pour comprendre comment se positionner stratégiquement.

Priorités géographiques

Tous les programmes de financement ne ciblent pas des pays en particulier, cependant c’est le cas de la plupart et la majorité des appels à propositions formels concernent des territoires spécifiques.

Une fois les priorités géographiques déterminées, il convient d’effectuer quelques recherches sur les financements effectivement apportés par le donateur dans les pays en question.

Plafonds de financement

Ces indications doivent être prises au sérieux.

Lorsqu’un plafond est spécifié, il doit être respecté. Si les indications donnent plutôt des paramètres généraux, consultez les précédentes subventions pour mieux saisir les montants moyens accordés.

Vous ne compromettez pas nécessairement vos chances de succès en visant le haut de la fourchette de financement. En effet, la plupart des grands donateurs préfèrent attribuer deux ou trois grandes subventions plutôt que dix petites. Toutefois, les organismes de financement se montrent également désireux de répartir, dans la mesure du possible, les fonds disponibles entre plusieurs organismes, préservant ainsi leur réputation de faire preuve d’équité de traitement.

Coordonnées et URL

L'adresse web utilisée pour publier les appels à propositions est une information clé à inclure dans votre liste.

Prenez note des coordonnées personnelles indiquées, le cas échéant, mais gardez en tête que la plupart des grandes agences connaissent des changements réguliers dans leur personnel et que ces coordonnées devront peut-être être mises à jour.

Opportunités à venir

Notez le prochain délai de dépôt de candidature prévu et créez un système d'alerte, de manière à recevoir un rappel assez en amont du délai indiqué.

Commentaires et conclusions

Il est pertinent d’évaluer ses chances de succès auprès d’un donateur particulier en fonction de la complexité de la demande de financement soumise.

Pour les agences nationales, il peut également être utile de noter quelles autres organisations de votre région ont déjà reçu un financement de leur part.

La section de ce guide qui répertorie des donateurs pour le développement des médias constitue un bon point de départ.

Approche des donateurs

La clé pour approcher les donateurs réside dans la compréhension de leurs domaines d'intérêt et de leur philosophie générale en matière de développement des médias. Leurs stratégies peuvent évoluer au fil du temps, toutefois il n’en reste pas moins vrai que :

  • La Commission européenne a tendance à regrouper le développement des médias avec le soutien à la société civile et aux défenseurs des droits de l'homme (DDH). Cependant, les programmes traditionnels de renforcement des capacités et d'accès à l'information connaissent une résurgence.

  • L'USAID continue de croire fermement à la professionnalisation des médias et a traditionnellement soutenu le développement des médias commerciaux (par opposition aux médias de service public).

  • Le bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth favorise les projets qui facilitent le partage de l'expertise britannique et internationale dans des domaines tels que les services publics de radiodiffusion, la législation sur les médias et la programmation pour les groupes minoritaires ou vulnérables.

  • Le ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas accorde une grande importance à la capacité des médias à promouvoir et à protéger les droits humains en demandant aux gouvernements de rendre des comptes.

  • L’agence suédoise de développement et coopération internationale continue de donner la priorité à la responsabilisation démocratique, aux droits humains, à l'État de droit et à la liberté d'expression. Elle défend également l'égalité des genres et l'autonomisation des femmes.

  • L'agence française de développement considère le développement des médias comme un outil de promotion de la cohésion sociale et de réduction des inégalités.

  • Le ministère allemand des Affaires étrangères s'efforce de promouvoir la viabilité des médias ainsi que l'élaboration de cadres législatifs et réglementaires.

  • Les agences des Nations unies associent le développement des médias à leurs différents domaines de travail, à l'exception de l'UNESCO qui soutient des projets visant à promouvoir un environnement favorable aux médias libres et indépendants

Présentation d’idées

En de rares occasions, vous aurez peut-être la possibilité d'exposer vos idées aux donateurs.

Sachez que la plupart des donateurs, comme les éditeurs, se tiennent à l'affût de la prochaine grande nouveauté et veulent se tenir informés des nouvelles idées et des innovations.

Celles-ci peuvent être glissées dans les conversations et conduire à des approches directes.

Réfléchissez à un argumentaire éclair, une idée en lien direct avec les priorités du donateur, résumée en quelques phrases.

Sollicitation à froid

Contacter des donateurs à l'improviste et leur faire part d'une idée qui semble correspondre à leurs intérêts et priorités peut fonctionner, mais cela dépend beaucoup du donateur.

Les principaux donateurs institutionnels se contenteront probablement de vous renvoyer à leurs sites web et à leurs directives de financement, si tant est que vous parveniez à vous adresser à la bonne personne. Écrire à une adresse électronique générique du type info@donor.org qui figure sur leur site web s’avère généralement infructueux.

Le démarchage téléphonique à froid constitue une démarche possible pour autant que vous ayez une idée très convaincante et la certitude que le donateur en question (a) soutient des travaux dans ce thème/secteur et (b) possède une certaine flexibilité pour accorder des financements ponctuels.

Nous pouvons sans doute affirmer que les chargés de dossiers craignent ce type d'appels et ne les encouragent certainement pas. Cependant, cela ne signifie pas que cette stratégie est à exclure.

Relations réussies avec les donateurs

Amener les donateurs à s’engager nécessite des ressources, de l'expérience et de solides compétences diplomatiques.

Les rencontres introductives se révèlent incontestablement utiles pour attirer l'attention d'un donateur sur votre travail et explorer les possibilités de financement.

Il n'est pas bon d'être trop insistant ou obstiné, mais il est certainement conseillé de nouer des relations au fil du temps.

Les éléments suivants facilitent ce type d’opération :

Présentation solide

Disposer d’un solide dossier de présentation qui inclut des illustrations de votre travail (études de cas) et s’assurer d’en laisser une copie derrière vous après une réunion.

Intérêts communs

Identifiez des domaines d'intérêt et des points de référence communs. Les discussions doivent s’inscrire dans des échanges exploratoires plutôt que relever du discours de vente offensif. Recherchez les recoupements entre le programme du financeur et le vôtre.

Axe thématique

Éviter de faire perdre du temps aux donateurs en présentant des idées qui ne correspondent pas aux axes de leurs programmes ou à leurs principaux domaines d'intérêt. Vous ne les convaincrez pas de s’engager dans une nouvelle direction par la seule force de votre personnalité.

Suivi

Donnez suite aux idées exposées lors des réunions en communiquant des notes conceptuelles, des présentations, des résultats de recherches ou des exemples de travaux antérieurs.

Connexions

Aidez les donateurs à établir des liens avec les bénéficiaires finaux. Les chargés de dossiers apprécient de recueillir des renseignements sur le terrain et d'entendre parler de stratégies fructueuses par les personnes concernées. Organiser des rencontres avec des bénéficiaires ou des visites de terrain des projets constitue une bonne manière d’informer les donateurs et de peser dans l’élaboration de leurs stratégies internes et procédures de développement.

Personnel et rôles

Les personnes employées par les organisations donatrices occupent une position privilégiée. Elles répondent régulièrement à des sollicitations de candidats potentiels.

Aussi, il s’avère judicieux d’entretenir des liens avec ces personnes afin de positionner votre organisation comme un précieux fournisseur de services, doté d’une forte expertise. Renforcez cette réputation en partageant les résultats de vos recherches ou en créant des liens entre des personnes qui en tireront des bénéfices mutuels.

L’essentiel est de démontrer que vous possédez les contacts, les ressources et la vision nécessaires pour concrétiser vos idées et de vous positionner comme un partenaire professionnel fiable.

Notez que, au sein des organisations donatrices et des ambassades étrangères, les questions de développement des médias et de responsabilisation en démocratie peuvent relever de départements différents. Par exemple :

  • Dans les délégations de l'UE, ce domaine peut être du ressort de la section politique du chef de coopération ou, dans certains cas, des responsables de la presse et de l'information.

  • Certaines ambassades françaises disposent d'un attaché de presse, mais la responsabilité de ce domaine peut aussi incomber à un agent culturel. La France possède un réseaux d’attaché·es audio-visuel·es qui couvrent pour la plupart plusieurs pays.

  • Dans les ambassades britanniques, ce portefeuille peut être confié aux secrétaires politiques ou aux chargés de la communication.

  • Dans les ambassades américaines, ce rôle peut revenir au personnel qui travaille dans la diplomatie publique.

Organisations internationales

Pour les organisations internationales, les paramètres sont très différents : elles mettent principalement l'accent sur le maintien d'une relation privilégiée avec les donateurs nationaux qui représentent l’essentiel de leur soutien.

Le lobbying au sein de la Commission européenne s’avère plus complexe, car les responsabilités directes en matière de programmes de subventions manquent de clarté et les comités d'évaluation fortement liés par les procédures et protocoles, établis pour garantir l'impartialité de leurs décisions.

Néanmoins, participer régulièrement aux conférences financées par l'UE, ainsi qu’aux réunions d’information sur les appels à propositions, et se positionner comme leader d'opinion dans leurs domaines respectifs peut s’avérer bénéfique pour les organisations.

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